Michèle Poncet-Ramade : "Assécher les dealers de leurs clients"


Marsactu : de quel exemple de politique alternative la France pourrait-elle s'inspirer ?
Michèle Poncet-Ramade : le Portugal a onze ans d'expérience. Leur schéma part du postulat que ne se drogue pas n'importe qui, il y a des personnalités à risque, qui pourraient bénéficier d'une prévention - à l'école déjà s'il y avait un entourage un peu plus vigilant de la jeunesse… Ensuite, il faut accompagner les toxicomanes dans des filières médico-sociales, qui sont très sérieuses, avec des commissions de probation toutes les semaines. Au début, la consommation a augmenté, puis elle a diminué progressivement et le nombre de consommateurs a baissé.
Qu'est-ce que ça change par rapport au trafic ?
On part du consommateur, pas du dealer. Il est repéré, rentre dans une filière médico-sociale, où il est traité. On lui propose éventuellement la drogue sur ordonnance dans des pharmacies, comme c'est déjà le cas en France avec la méthadone pour remplacer l'héroïne. Il n'a plus besoin de s'adresser à un dealer. Celui-ci continue à vendre, mais il aura de moins en moins de clients. On les assèche de leurs clients. Et si la consommation n'est pas illégale (plus précisément ne conduit qu'à une sanction administrative et non pénale, ndlr), la vente le reste. Les Suisses eux ne poursuivent pas les producteurs de cannabis, jusqu'à un certain nombre de plants, ils n'ont par contre pas le droit de revendre. Le but est que ça ne donne pas lieu à de la délinquance dans les rues.
Quid des acteurs de ce qui reste une filière économique, bien qu'elle soit illégale ?
Ils feront autre chose, ils feront un travail légal. Les gens ont le temps de se reconvertir, largement. Le gamin qui a quitté la 4ème pour devenir guetteur, pour moi il aurait dû faire autre chose. Peut-être que si on avait une vraie politique de l'emploi…
Cette volonté de sortir de la criminalisation n'est que peu partagée, y compris dans votre parti. On a vu aussi les déclarations de Samia Ghali sur les "pseudo-gaucho-intello-bobo qui vous disent que fumer un chichon ce n'est pas grave". Idem au niveau national où cela ne semble pas la ligne du ministre de l'Intérieur Manuel Valls...
Nous étions en désaccord avec Karim Zeribi, mais nous avons beaucoup échangé et il a raison : le temps de mettre en place les filières médico-sociales - pour lesquelles il faut des éducateurs, des médecins, des infirmières, des assistantes sociales - il y a une phase nécessaire pour remettre la paix dans la ville et qui passe par les forces de police. Samia Ghali, elle, a le nez dans le guidon, il faut qu'elle regarde la route. Il y a des expériences ailleurs. Sa solution de mettre des barrières à l'entrée des cités tenues par l'armée, je ne vois pas l'intérêt… Les ventes ne se font pas forcément dans les cités. Un des hauts lieux de la vente de drogue, c'est Pastré ! Au niveau national, [l'ex ministre socialiste de l'Intérieur] Daniel Vaillant, qui lui était pour la légalisation, a fait un exposé très clair. [Le maire EELV de Sevran] Stéphane Gatignon a écrit un livre dessus. Mais non, ce n'est pas fait...
Par Julien Vinzent, le 3 septembre 2012

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